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Photo du rédacteurGilles Cosson

Dominons le monstre

Dominons le monstre : « l’Esprit qui veille »


Depuis bien des années, je vois grandir le monstre. Il s’est d’abord appelé écran, envahissant mes jours et mes nuits, offrant sans discontinuer les visions hypnotiques me permettant d’oublier le pourquoi vivre et le pourquoi mourir, noyant dans son bruit éternel les raisons de mes angoisses. Il m’a occupé, distrait et consolé jusqu’au jour où j’ai compris que derrière sa perpétuelle agitation, il n’y avait en définitive que du vent…


Alors sont apparues les tentations du discours téléphonique permanent, permettant où que je sois de m’adresser à des proches, quitte à les insupporter de mes assiduités. Mais à ma surprise, ils en redemandaient plutôt. Et c’étaient des : « raconte-moi », des « es-tu sûr ? » ou encore « que fais-tu » ? Ainsi dans un océan de paroles me suis-je habitué à quêter une approbation immédiate. Et j’y ai pris plaisir, oubliant à cette occasion mes tourments comme mes devoirs. À quoi bon affronter la douloureuse réalité lorsque à tout instant un appel permet de s’évader du cycle lancinant des doutes ? Pourtant, après un moment, j’ai compris que là n’était pas non plus la réponse à mes interrogations…


Mais voici que se présente le troisième monstre, plus insidieux encore, qui propose à chaque instant les avantages d’un prétendu contact avec une horde d’amis de hasard, mais aussi la possibilité de participer à l’immense actualité qui, heure après heure, déroule son cours implacable. Et je suis attiré, tenté, ébloui, terrorisé, par ce flot qui ruisselle devant ma porte. Puis-je encore y échapper ? Je n’en suis pas sûr, car il est bureau et toujours l’écran est là, tyran délicieux qui s’allume, sonne, et me convie.


Depuis bien des années, je vois grandir le monstre. Il s’est d’abord appelé écran, envahissant mes jours et mes nuits, offrant sans discontinuer les visions hypnotiques me permettant d’oublier le pourquoi vivre et le pourquoi mourir, noyant dans son bruit éternel les raisons de mes angoisses. Il m’a occupé, distrait et consolé jusqu’au jour où j’ai compris que derrière sa perpétuelle agitation, il n’y avait en définitive que du vent…


Alors sont apparues les tentations du discours téléphonique permanent, permettant où que je sois de m’adresser à des proches, quitte à les insupporter de mes assiduités. Mais à ma surprise, ils en redemandaient plutôt. Et c’étaient des : « raconte-moi », des « es-tu sûr ? » ou encore « que fais-tu » ? Ainsi dans un océan de paroles me suis-je habitué à quêter une approbation immédiate. Et j’y ai pris plaisir, oubliant à cette occasion mes tourments comme mes devoirs. À quoi bon affronter la douloureuse réalité lorsque à tout instant un appel permet de s’évader du cycle lancinant des doutes ? Pourtant, après un moment, j’ai compris que là n’était pas non plus la réponse à mes interrogations…


Mais voici que se présente le troisième monstre, plus insidieux encore, qui propose à chaque instant les avantages d’un prétendu contact avec une horde d’amis de hasard, mais aussi la possibilité de participer à l’immense actualité qui, heure après heure, déroule son cours implacable. Et je suis attiré, tenté, ébloui, terrorisé, par ce flot qui ruisselle devant ma porte. Puis-je encore y échapper ? Je n’en suis pas sûr, car il est séduction de l’image, illusion de participation, espoir d’existence partagée. Et hébété, ballotté, bâillonné, je me rends pieds et poings liés au Moloch dont le but est de me réduire à merci. Mais quel but poursuit-il au fait ? S’agirait-il de me faire comprendre pourquoi je suis là, de répondre en quelque manière à la certitude de la vieillesse qui s’approche, de la mort qui attend ? Non, rien de tout cela, il s’agit simplement de remplir le vide de mes jours par un grand banquet de néant. Je me lève et je regarde les dernières dépêches, je vais à mon travail et je reçois les messages qui affluent, je suis au bureau et toujours l’écran est là, tyran délicieux qui s’allume, sonne, et me convie au grand partage du rien.


C’est à la prise de conscience de ce rien qu’aspire le livre cité. Nous devons nous détacher du monde des apparences, nous souvenir que notre existence vaut mieux que le torrent qui déferle, nous rappeler que par delà l’instant existe en nous l’intuition de l’éternité. Oui « l’Esprit qui veille » sur l’univers et dont la science d’aujourd’hui nous permet de mieux cerner les contours attend que nous choisissions la voie du silence et non celle du bruit, celle de la prière et non celle du bavardage, celle de l’action consciente et non celle de l’irresponsabilité permanente. La route est pavée d’embûches, mais il s’agit de vivre... dominons le monstre !

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