France, mon beau pays, tu vas devoir t’adapter à un environnement impitoyable et je souffre pour toi. Car tes habitants sont gens de bon sens qui savent où se trouvent les plaisirs de l’existence et ils ont du mal à modifier des habitudes séculaires, source de joie de vivre et enviées par bien des nations. Heureux comme Dieu en France, disaient nos voisins Allemands, je ne suis pas sûr que les choses aient tellement évolué…
Pourtant la nécessité du changement ne fait aucun doute : le temps n’est plus où, à l’abri de ses frontières, dans cet hexagone presque parfait que nous faisaient admirer nos maitres, cinquante pour cent de la population s’adonnaient au travaux des champs. Ma chère et vieille patrie, tu as maintenant besoin des autres : pour acheter ce qui t’est nécessaire, tu dois vendre les produits de ton industrie, pour satisfaire les besoins de cette dernière, il te faut rapprocher ton enseignement de ses exigences, pour retenir les meilleurs de tes enfants, tu dois leur offrir des perspectives intéressantes. Bref, tu dois réaliser la quadrature du cercle : ne pas surcharger le prix de tes marchandises en les grevant trop lourdement des frais de ton cher Etat, sortir un peu plus de chez toi quand tes goûts te portent à rester là où tu es, accepter que ton idéal d’égalité souffre un peu au bénéfice de ceux tentés de te quitter pour satisfaire leurs légitimes ambitions.
Tout cela va contre tes habitudes et tes traditions, d’autres diraient, de ton identité. Car si je regarde les raisons qui ont fait de toi un pays jalousé par le monde entier, plusieurs me viennent aussitôt à l’esprit :
D’abord la beauté d’une contrée merveilleusement dotée par la nature. Je peux te le dire sans mentir, je te connais à fond : des plaines du Nord aux coteaux du Languedoc, des plages de Bretagne aux montagnes du Jura, des Pyrénées aux grandes Alpes, j’ai parcouru sac au dos tes belles provinces aux noms si doux : Aquitaine, Périgord, Alsace, Normandie, Lorraine, Franche Comté, Comtat Venaissin, Côte d’Azur et tant d’autres. Partout, j’ai trouvé des paysages magnifiques, des villes et des villages remarquables, des gens attachés à leur terroir. Oui, partout, j’ai eu envie de me fixer si grand était le charme des endroits où je passais : plages d’Armorique, abbayes du Poitou, forêts des Vosges, plateaux aux senteurs de lavande, rivages bénis de la Méditerranée.
Ensuite la richesse de ton sol. Personne ou presque n’est mort de faim sur tes terres. Là où tant de pays voisins ont souffert de la disette : Suède, Irlande, Espagne et même Italie, tu es passée au travers de ces épreuves sans presque t’en apercevoir. Aussi tes fils se sont-ils peu expatriés car ils trouvaient chez toi le nécessaire. Quelques curieux sont allés voir ailleurs, mais on revenait et l’on revient toujours, vers son petit Liré plus volontiers qu’on ne s’expatrie sur les bords du Mississipi ou du rio de la Plata. La douceur angevine, les bons vins de Bordeaux, la bouillabaisse provençale, les huitres de Cancale, les tripoux d’Auvergne, cela était et reste disponible à un prix abordable, pourquoi partir quand on a sous la main tout ce qui fait le charme d’une journée de fête ?
Enfin une nation passionnée plus que sentimentale, plus raisonneuse que raisonnable, qui a emprunté à ses ancêtres Gaulois l’esprit frondeur et l’habitude de l’insoumission, à ses conquérants Latins le goût du beau parler et celui de la discussion, à ses envahisseurs Francs l’esprit batailleur et l’amour des conquêtes, à ses femmes la façon de tenir quelqu’un à distance pour mieux le séduire, bref une nation qui a généré un peuple insupportable, jamais content, toujours prêt à la contestation, n’acceptant ses propres lois que dans la mesure où elles l’arrangent, mais dont quatre-vingt dix pour cent des anciens se déclarent satisfaits de leur vie lorsqu’on les interroge l’âge venu. Chers compagnons de route, je vous aime tels que vous êtes, avec votre insupportable identité: cocardiers, râleurs, mais aussi intelligents, rieurs et satisfaits de l’existence. Et pourtant, je le répète, il vous faut changer. Cela est difficile, je le sais, mais je sais aussi que vous le comprenez et que votre bon sens est prêt à admettre beaucoup d’accommodements. Oui, l’existence sera sans doute moins facile qu’elle ne l’a été, oui, il vous faudra accepter de travailler plus longtemps et même de renoncer à certains avantages, oui vous ne pourrez prétendre rester toute votre vie dans la province où vous êtes nés et vous porterez au cœur le regret des soirées sous la tonnelle avec vos amis d’enfance, mais vous resterez Français, héritiers d’une civilisation magnifique dont vous saurez défendre, j’en suis sûr, les caractéristiques essentielles. Quant à ceux qui viennent d’arriver et qui ignorent le prix de ce que tant de siècles ont lentement secrété, je leur dis ceci : regardez autour de vous, comprenez la rareté de l’alchimie qui vous environne, sachez renoncer si c’est le prix à payer, aux excès d’une religion née dans les déserts de l’Arabie, vous êtes dans un pays de mesure, de doute discret, de compagnonnage rodé par les ans. Ne cherchez pas à lui imposer vos coutumes, elles ne sont pas adaptées à un contexte qui a su séduire tous les conquérants, montrez votre visage avec confiance à ceux qui vous entourent, sachez boire avec eux le verre de l’amitié, ne vous fermez pas au nom de traditions étrangères, votre ouverture vous sera rendue au centuple, vous serez accueillis à bras ouverts, bref, vous deviendrez Français.
Ensuite la richesse de ton sol. Personne ou presque n’est mort de faim sur tes terres. Là où tant de pays voisins ont souffert de la disette : Suède, Irlande, Espagne et même Italie, tu es passée au travers de ces épreuves sans presque t’en apercevoir. Aussi tes fils se sont-ils peu expatriés car ils trouvaient chez toi le nécessaire. Quelques curieux sont allés voir ailleurs, mais on revenait et l’on revient toujours, vers son petit Liré plus volontiers qu’on ne s’expatrie sur les bords du Mississipi ou du rio de la Plata. La douceur angevine, les bons vins de Bordeaux, la bouillabaisse provençale, les huitres de Cancale, les tripoux d’Auvergne, cela était et reste disponible à un prix abordable, pourquoi partir quand on a sous la main tout ce qui fait le charme d’une journée de fête ?
Comments