Cet article renvoie à la page d’accueil du site gillescosson.com : il représente l’analyse rationnelle de la question, l’approche “spiritualiste” devant être plus spécialement étudiée dans le livre à paraître : “Ecoute homme”.
Face aux mutations considérables que nous subissons et face à la perte du socle spirituel de notre société, l’homme occidental d’aujourd’hui aborde la vie et la mort avec un individualisme qui ne le protège en rien contre les questions existentielles de notre époque…
A/ Les Faits :
1/ Mondialisation et immigration
La mondialisation représente probablement le facteur le plus frappant d’unification, mais aussi de dissociation culturelle et spirituelle, de notre temps. Les interrogations correspondantes sont très anciennes puisque l’économiste Ricardo souhaitait au début du XIXème siècle l’échange international des biens pour éviter justement les migrations qui rompent « l’attachement naturel des peuples » à leur terre. Cette observation était reprise un peu plus tard par un autre économiste, Pareto, qui affirmait que face au phénomène migratoire, il était essentiel de distinguer l’optimum économique de l’optimum social. Il est curieux de constater que la mondialisation avec l’échange massif de biens qu’elle supposait, jugé positif, était aussitôt mis en parallèle avec les problèmes liés aux phénomènes migratoires, jugés déstabilisants.
Devant l’explosion des fureurs nationalistes avec deux guerres mondiales à la clef, le vingtième siècle avait écarté cette polémique jugée secondaire, mais elle est maintenant revenue au centre du débat. Là où en effet la mondialisation a conduit à un accroissement de richesse général, elle a fait aussi apparaitre des inégalités conduisant à la formation d’une classe internationale de super riches ignorant, voire méprisant la majorité silencieuse avec perte générale des repères éthiques et apparition simultanée d’un populisme exigeant. Dans un rapport récent sur l’égalité des chances aux USA, Joseph Stiglitz (1) analyse clairement en filigrane la nécessité du retour du social dans l’entreprise.
S’agissant de l’immigration, effet partiel de ces inégalités structurelles suscitant la révolte des plus pauvres, on peut ajouter celui soulevé par les mutations écologiques qui accentuent et vont encore accentuer ce phénomène avec le déplacement de groupes sociaux entiers placés devant le problème d’une absence de ressources. Cela est particulièrement vrai du continent africain dont la population souffre d’un accroissement trop rapide comparé à celuides richesses localement disponibles.
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(1) Voir en particulier: A new study, released by the Economic Policy Institute (EPI) , found that the ratio of CEO-to-worker compensation was 278-to-1 in 2018, up from a ratio of 58-to-1 in 1989.
Déshérence culturelle
Sur le plan culturel apparait actuellement un début de désagrégation de l’unité linguistique de divers pays. Or il existe depuis toujours un lien puissant entre langue orale, celle de la vie de tous les jours et langue écrite, vecteur essentiel de la culture, les deux se nourrissant l’une de l’autre. L’exemple de l’effacement de l’écriture hiéroglyphique dans l’Égypte ancienne montre bien l’identité entre langue et civilisation, la disparition de l’une entrainant celle de l’autre. Plus récemment, les constatations de Thomas Mann font apparaitre l’affaiblissement de la riche tradition culturelle germanique face au problème de l’exode massif des écrivains allemands sous la pression du nazisme (2). Ce problème n’a jamais été vraiment surmonté.
S’agissant de notre époque, l’on ne peut que constater l’invasion des langues européennes, mais pas seulement elles, par des vocables d’origine américaine, souvent eux-mêmes abâtardis avec apparition d’une langue dégradée et abaissement général des traditions culturelles, tout cela au bénéfice d’un consumérisme béat niant les fondements mêmes des civilisations d’aujourd’hui.
__________________________________________________________________________________(2) De toutes les situations d’exil politique, celui des Allemands quittant leur pays d’origine entre 1933 et 1940 sous la pression du nazisme se distingue par le nombre d’artistes choisissant de se réfugier à l’étranger pour échapper à une situation qui menace leur art et leur vie. C’est l’occasion de réfléchir aux menaces qui pèsent sur la qualité d’une culture face à la perte de l’idiome local. On peut noter à ce sujet les difficultés éprouvées par Rainer Maria Rilke pour versifier en français, langue dont il ne maitrisait pas la substance intime (note de l’auteur).
Déshérence spirituelle
Les progrès scientifiques et techniques avec l’invasion d’un Internet envahissant dans la vie courante jouent contre les révélations ou philosophies du passé marquées par un fixisme dépassé. L’invraisemblance ou la simple inadaptation de certains aspects des doctrines religieuses en est une conséquence indirecte. Citons à titre d’exemple s’agissant de l’islam les révélations par nature non discutables reçues directement d’Allah (la « Table gardée ») avec en particulier le rôle minoré de la femme, mais aussi dans la religion catholique le célibat des prêtres ou le dogme de l’infaillibilité pontificale, sans parler de la vénération hindoue à l’égard de Dieux pas toujours cohérents entre eux et des exigences sexuelles parfois étranges d’un certain Tao. Tout cela pour montrer la faiblesse des religions traditionnelles face aux mouvements violents auxquels elles sont confrontées.
Les difficultés des différents clergés face à la contestation des dogmes anciens confirment la dégradation des rites et traditions populaires soumises à des modifications brutales. À titre d’exemple, les problèmes de la reproduction humaine avec la fécondation élargie aux mères porteuses faisant apparaître des problèmes éthiques considérables ou encore les manipulations génétiques illustrent le propos. Et les voyages multiples auprès de gens d’origine très différentes avec leurs coutumes alimentaires, sexuelles et comportementales distinctes accentuent la prise de conscience du caractère relatif des habitudes locales. L’inexorable déstabilisation des croyances traditionnelles n’en apparait que mieux.
2/ Conflits religieux
Face à l’effet destructeur de la mondialisation, l’intégrisme religieux est un puissant facteur de récupération identitaire, mais va par contraste accentuer les conflits idéologiques : individualisme d’un côté, communautarisme de l’autre, tous deux prompts à affirmer leur supériorité, cela d’autant plus que le consumérisme est souvent présenté dans l’Occident « démocratique » comme une solution qui malmène pourtant les autres traditions culturelles et irrite légitimement leurs détenteurs.
Modifications des identités culturelles
Dans ce domaine, les exemples abondent. Parmi ceux-ci, on peut citer « L’Inde de Modhi », renouveau évangélique radical aboutissant à des certitudes excessives et donc à des phénomènes d‘exclusion de l’autre, ou encore au radicalisme salafiste, rejetant le principe même des civilisations occidentales au bénéfice d’une conception antique de l’islam « pur ».
Notons à ce sujet que la radicalisation opère souvent dans des espaces géographiques fermés : prisons, mosquées, églises, voire dans des espaces virtuels, à l’exemple de la messagerie « Telegram », qui toutes renforcent la puissance du message diffusé. L’une des vertus de la radicalité pour ceux qui s’y adonnent, c’est d‘ailleurs qu’elle exonère l’individu de ses erreurs passées, lui-même devant rompre avec sa famille et son environnement pour renaître (« to be born again»). S’agissant de l’islam revendicatif d’aujourd’hui, c’est l’occasion d’affirmer une idéologie victimaire qui dure tout au long du XXe siècle et se poursuit de nos jours.
Conflits latents et ouverts
Alors que beaucoup de croyants traditionnels s’affranchissent de leur foi d’origine, apparaissent en parallèle des idéologies liées aux phénomènes migratoires s’affirmant comme indépendantes du terreau local traditionnel. Ainsi en est-il en Occident de territoires entiers livrés à des réflexes de repli, souvent associés à des difficultés d’adaptation économique, mais aussi ultime protection de populations entraînant le passage de l’Inde du multiculturalisme hérité de Gandhi et Nehru à une forme de démocratie ethnique ravalant les minorités, de fait sinon de droit, au rang de citoyens de seconde zone. Mais il est possible de penser aussi à certaines manifestations déracinées face à la violence des contraintes culturelles subies sans recours possible. La conséquence en est un affrontement parfois violent entre les diverses doctrines monothéistes, l’islam, vecteur de certitudes intangibles, s’opposant aux divers christianismes, eux- mêmes fragilisés par les controverses évoquées plus haut. Il est à noter que ces conflits proviennent presque toujours des oppositions entre révélations du « Livre » au sens biblique du terme, l’Extrême- Orient n’ayant jamais éprouvé le besoin de telles croyances dogmatiques : Rappelons sur ce point que le confucianisme et le taoïsme, sans oublier le bouddhisme, produits d’une sagesse immémoriale, ont parfaitement remplis leur rôle de réponse à la demande spirituelle locale sans besoin de doctrines révélées. Une bonne analyse de ces phénomènes est fournie par des commentateurs avisés parmi lesquels nous retiendrons les œuvres de Paul Diel (3), Autrichien réfugié en France qui dans plusieurs ouvrages médite sur l’effondrement des « fois » traditionnelles avec les conséquences qui en découlent.
Face aux différentes mutations que nous venons d’évoquer, l’inquiétude domine, car l’on ne voit pas bien ce qui pourrait remplacer la cohésion sociale naissant d’un long passé doctrinal qui, même abandonné dans la pratique quotidienne, fournissait une base solide aux traditions culturelles locales.
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(3) Paul Diel : Science et foi : L’effondrement de la foi amène l’effondrement de l’activité sensée. (Celles-ci) se perdent dans des directions multiples et insensées, inverses et perverses. Des idéaux erronés se forment, se contrecarrent et s’échauffent jusqu’au fanatisme.
S’agissant en particulier des problèmes liés à l’immigration massive associée à la pauvreté croissante de pays abandonnés à eux- mêmes, seule une baisse de leur population serait sans doute capable de réduire les départs massifs qui en découle ; mais l’on voit mal de quelle autorité procéderait cette évolution. Et même dans ce cas improbable, les problèmes liés à l’évolution des comportements sociétaux ne disparaitraient pas pour autant. C’est la nature même des civilisations occidentales, qui est aujourd’hui contestée par une partie croissante du monde (les « Brics » en particulier) avec des risques accrus de conflits dévastateurs.
Cela dit, le désastre et le désespoir sont-ils inévitables face à la mondialisation ? La perte du sens de la vie pour des populations entières est-elle définitive ? Tels sont bien les problèmes devant lequel nous nous trouvons et auxquels nous allons tenter de répondre.
Une chose est certaine : Le volume des connaissances humaines s’est considérablement agrandi, entrainant pour l’humanité dans son ensemble des changements de nature structurelle et nous ne pouvons en rester là. L’univers qui vient va exiger de nous des mécanismes d’adaptations face aux mutations qui ont déjà commencé et qui vont dépasser tout ce que l’humanité a connu jusqu’à présent.
B/ Un nouveau « sens » pour notre époque est-il possible ?
Comment remédier à la déshérence actuelle en matière de « sens » ? Que faire pour contrer cette tendance lourde ? Comment relativiser le matérialisme mortifèrequi tente de faire oublier l’essentiel. Tel est en particulier le sujet de « L’Homme qui parle » et de son épilogue « Quel Dieu pour le XXIème siècle ? »*.
1/ Sur la forme et le contenu de l’ouvrage
Cette recherche du « sens » apparaît comme une évidence nécessaire dans le récit épique de « L’Homme qui parle », avec son héros, sorte de Candide du XXIème siècle parti à la recherche d’aide après une catastrophe nucléaire mondiale. L’aventure se déroule au sein d’une société fictive fondée sur la domination des plus riches et des plus savants au détriment des plus modestes réduits à la condition de serviteurs tout juste chargés de produire et de consommer.
Ce sera le rôle de « l’Homme qui parle » d’affirmer que les hommes ne peuvent vivre dans une perspective seulement matérielle, récit mené au travers d’une aventure périlleuse. Deux idées sont soulignées dans cette allégorie : la suprématie des passions sur la raison dans la société humaine et l’aspiration à un amour transcendant la réalité quotidienne, le tout dans un contexte très rigide. L’on ne peut que penser à ce sujet aux thèses de Hobbes (« l’Homme machine ») ou bien sûr, à celles de Marx et d’Engels. « L’Homme qui parle » s’oppose à contrario à cette vision réductrice, à l’instar de la recherche obstinée de la vérité cf. à ce sujet « l’Homme ne vit pas seulement de pain», de Vladimir Doudintsev** dans l’URSS normalisée d’autrefois, sans parler des diverses religions ou philosophies qui convergent depuis toujours sur ce point essentiel. Il est à noter et ce n’est pas un hasard, qu’il appartiendra dans ce livre à une femme de symboliser l’évolution vers un humanisme dans lequel la solidarité et l’amour tiendront toute leur place, évolution qui la conduira à une conception du monde radicalement différente de celui dont elle est issue. Mais la même logique est à l’œuvre dans « Vers une espérance commune » qui affiche le pourquoi et le comment de la nécessaire solidarité humaine au sein d’une société retournée à un spiritualisme nécessaire à sa survie.
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*L’Homme qui parle éd. Pierre-Guillaume de Roux 2021
**L’homme ne vit pas seulement de pain :Vladimir Doudintsev éd.Julliard, 1957
2/ Sur l’opposition des doctrines matérialistes et spiritualistes
Deux tendances s’affrontent :
Dans le « Hasard et la nécessité », Jacques Monod (4) rappelle sa thèse selon laquelle le hasard est la seule cause de toute l’évolution humaine.
Celle de la finalité de l’évolution. Comme le dit Philippe Meyer, physicien français s’exprimant depuis l’école normale de la rue d’Ulm sur ce sujet fondamental :
« La clef de voûte de l’interrogation philosophique est de savoir si l’homme n’est qu’un degré de sophistication avancée du vivant ou s’il procède d’une ontologie qui lui est propre ».
Là est bien le débat sur lequel nous allons nous interroger à la lumière des réflexions et apports scientifiques récents.
__________________________________________________________________________________(4) Jacques Monod :le hasard et la nécessité ed. du Seuil 1970
Les approches philosophiques récentes
« …Exclure la raison, n’admettre que la raison… » est une faute, nous dit Pascal dans les « Pensées ». Au vingtième siècle, le père Teilhard de Chardin, Henri Bergson et Etty Hillesum mêlent raison et intuition dans une conception spiritualiste de l’univers où science et foi ne se contredisent pas : voir page suivante. Il est essentiel de noter que ces ouvrages se fondent sur une approche scientifique très en retard par rapport aux sources dont nous disposons. Mais le jésuite/paléontologue, le philosophe et la jeune intellectuelle juive ne pouvaient connaitre au début du vingtième siècle ce que nous savons maintenant et qui a profondément modifié le socle de notre réflexion. Deux points de connaissances nouvelles dans le domaine rationnel sont en effet apparus (5).
Le monde de la pensée bénéficie depuis peu d’une meilleure compréhension.
Nous savons en effet que nos idées diffusent dans l’infini des mondes avec leur énergie propre, celle du train d’ondes qui les accompagne, comme en témoignent par exemple les expériences de mise en mouvement d’un robot par l’émission d’une volonté forte. Dans « l’Homme qui parle » comme dans plusieurs ouvrages précédents sans vouloir employer le terme de Dieu, utilisé à tort et à travers, j’ai appelé « L’Esprit qui Veille » le rassemblement de toutes les pensées émises depuis l’origine des temps, cet ensemble constituant une immense agrégation d’énergie matérielle et « spirituelle », sans oublier celle qui a, dans mon esprit, présidé à la naissance de l’univers : nous y reviendrons. Ici intervient, à l’image de la goutte d’eau rejoignant l’océan tout en conservant sa nature propre, celle de la pensée individuelle se fondant dans l’univers spirituel sans limite qui nous entoure. _________________________________________________________________________________
(5) Teilhard de Chardin
Nous ne sommes pas des êtres humains vivant une expérience spirituelle, nous sommes des êtres spirituels, vivant une expérience humaine.
Bergson
La religion dynamique est celle du mystique, hors de toute analyse intellectuelle : « Création signifie, avant tout, émotion… Aucune spéculation ne créera une obligation… ; peu m’importe la beauté de la théorie, je pourrais toujours dire que je ne l’accepte pas. Tandis que si l’émotion me pénètre, j’agirai selon elle, soulevé par elle. Et le mysticisme nait alors « d’une prise de conscience partielle avec l’effort créateur que manifeste la vie ».
Ettty Hillesum « Je retrouvais le contact avec moi-même, avec ce qu’il y a de plus profond en moi et que j’appelle Dieu ».
Ce « plus profond » rapproche la jeune Hollandaise d’origine juive morte à 29 ans à Auschwitz (novembre 1943), du « grand courant de vie » dont, à la façon de Bergson, Etty Hillesum pressent la force créatrice dans laquelle nous baignons.
La pensée ne se «perd» pas: elle contribue à l’existence globale du monde spirituel. Ainsi « l’âme », concept éternellement fluctuant, peut-elle être considérée comme unique et immortelle parce que regroupant toutes les pensées émises par un individu depuis sa naissance jusqu’à sa mort.
Ajoutons que, dans cette conception de la pensée, à la fois réceptacle et acteur de l’univers spirituel, chacun reçoit une responsabilité nouvelle, celle d’améliorer au travers de ses idées la nature et la cohésion du cosmos. L’on peut citer à ce sujet l’exemple des communautés religieuses chrétiennes, bouddhistes ou taoïstes, méditant et priant au nom de tous sans bénéficier d’aucune certitude. S’il est vain de vouloir comprendre l’univers immatériel dans sa complexité, nous pensons que l’océan spirituel comporte une plasticité et une interactivité le rendant apte à s’adapter et à répondre au questionnement des êtres pensants.
Quelle est la puissance de ce monde invisible ? Impossible de le savoir même si son existence telle que nous venons de la définir ne fait pas de doute. Quant aux premiers moments du monde, il est clair qu’ils ont mis en œuvre des forces « surpuissantes » dont l’origine dépasse nos facultés de compréhension.
L’existence d’un Dieu, essence et acteur du monde spirituel n’est pas incompatible avec ces analyses
L’apparition de la lumière vers l’an trois cents cinquante mille, découverte au travers des expériences très récentes des satellites Cobe et Planck partis à la recherche des premiers moments du monde ouvre des perspectives insoupçonnées. Là où l’origine du monde est en général fixée à 13,6 milliards d’années, le « j’ai cru apercevoir le visage de Dieu » pensée exprimée par Georges Smoot, prix Nobel s’exprimant sur la lumière naissante, vers l’an 350.0000 après le Big- Bang, crée la stupeur. Mais c’est aussi le cas d’Albert Einstein raisonnant à l’époque sur ce qui allait advenir ou de Freeman Dyson, de Burton Richter sans oublier Paul Dirac ou Stephen Hawkings (6). Il est clair que nous dépassons là l’analyse rationnelle. L’existence d’une force fondatrice semble donc bien pour beaucoup apparaitre à l’horizon et l’on peut s’interroger à ce sujet sur la nature de l’énergie noire qui oblige le monde à l’expansion continue alors que la force de gravitation devrait l’amener à s’effondrer sur elle-même.
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(6) Albert Einstein : « Tous ceux qui sont sérieusement impliqués dans la science finiront par comprendre qu’un Esprit se manifeste dans les lois de l’univers, un Esprit immensément supérieur à celui de l’homme ». (Albert Einstein, lettre à un enfant 1936).
Freeman Dyson, scientifique anglo-américain, proche de Paul Dirac et de Stephen Hawking
« Étant un scientifique éduqué dans le mode de pensée et le langage du XXème siècle et non du XVII, je ne prétends pas que l’architecture de l’univers prouve l’existence de Dieu, je dis seulement que cette architecture est compatible avec l’hypothèse selon laquelle « l’esprit » joue un rôle essentiel dans le fonctionnement de l’univers. Je pense que l’univers tend vers la vie et la conscience et qu’il a du sens parce que nous sommes là pour l’observer et appréhender sa beauté harmonique. Mais j’insiste sur le fait qu’il s’agit là d’un pari métaphysique et non d’un strict raisonnement scientifique »
… « Plus j’analyse l’univers et étudie les détails de son architecture, plus je rencontre de preuves selon lesquelles dans un certain sens l’univers savait que nous allions apparaitre. Il y a plusieurs exemples saisissants au sein des lois de la physique nucléaire d’accidents numériques qui semble conspirer pour rendre l’univers habitable ».
L’expérience semble enfin affirmer que la « polarité globale » du monde est positive et que la notion de « bien » est éternelle et générale. C’est ce qu’affirme la « règle d’or », éthique de réciprocité, de solidarité et d’acceptation de l’autre dont le principe fondamental est énoncé dans presque toutes les grandes religions et cultures. « Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse » constitue une forme de morale universelle qui se retrouve aussi bien dans l’humanisme athée que dans les religions orientales, proche- orientales ou occidentales, ou encore dans les préceptes philosophiques de l’Égypte antique et de l’Antiquité grecque. Ajoutons que la polarité Positive évoquée se constate avec l’effondrement in fine de toutes les utopies meurtrières (Inquisition, nazisme, stalinisme) même si entre le « bien » et le « mal » la lutte est toujours ouverte comme pour manifester la bipolarité de l’univers secrétant une unité supérieure. Mais, surtout, ces allées et venues, positives ou négatives entre « bien » et « mal » se traduisent par l’amélioration continue de nos connaissances, l’élévation sans fin de celles-ci semblant être un objectif mystérieux assigné à l’être humain avec ses effets simultanés heureux (pénicilline, énergie atomique…) et malheureux (guerre bactériologique, bombe nucléaire…), en attendant demain la conquête de l’espace qui va ouvrir des horizons entièrement nouveaux et métaphysiquement passionnants.
Cela dit, la nature de la force créatrice mettant l’univers en mouvement restera pour toujours mystérieuse et le grand carrousel des mythes et des religions est là pour répondre à l’inquiétude métaphysique des hommes : cf. à nouveau Paul Diel (*).
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Paul Diel : Science et foi
Le problème métaphysique est avant tout l’effroi devant l’inconnu essentiel et cet effort consiste à spiritualiser le mystère en en créant une image symbolique susceptible de donner un appui et un but directif à l’imagination afin de sublimer l’effroi en le transformant en un instrument de confiance.
C’est cet effroi sublimé, transformé en adoration qui caractérise le sens religieux et c’est le mystère essentiellement inexplicable, l’essence mystérieuse de la vie, qui de tout temps a été symboliquement appelé « le divin ».
Où en est l’histoire des mythes et religions ?
Dans cette saga qui a commencé avec l’être préhistorique, reposons-nous la question de savoir comment ces mythes et religions répondent à notre angoisse présente. Les grands « éveilleurs » de l’humanité qu’ont été les divers prophètes des trois plus grandes religions et des trois philosophies mondiales d’aujourd’hui : judaïsme (Moïse), chrétienté (le Christ), islam (Mahomet) pour les premières, taoïsme, hindouisme, bouddhisme pour les secondes, ont tous témoigné de leur foi, plus ou moins affirmée, s’agissant de la cause première et des fins dernières. Tous ou presque ont manifesté, rappelons-le, une grande unité de vues en matière de morale ; mais la question pour nous en cette période de mutations accélérées est plus que jamais celle, de la liberté individuelle, de la tolérance et de l’absence de prosélytisme meurtrier.
On ne peut à ce sujet que condamner toutes les révélations autoritaires appelant l’homme à une soumission contraire à sa nature même et réduisant ses croyances à une vision esclavagiste opposée à tout progrès spirituel. Tel est bien le problème de tous les intégrismes religieux voulant légiférer sur les problèmes matériels.
Conclusion : un nouveau « sens » pour notre époque
L’existence de « L’Esprit qui Veille » dont j’ai précisé quelque peu les contours dans diverses analyses, en particulier dans l’ouvrage du même nom (cf. Michalon 2013), et les découvertes récentes en matière d’origine de l’univers semblent pouvoir constituer une voie d’union dans la découverte du « sens » sans lequel toutes les dérives meurtrières sont possibles. Cette voie d’union constitue le socle d’une prise de conscience amenant chacun à dépasser sans les renier ses croyances d’origine.
Pour dire les choses autrement, le « sens » tel qu’ainsi défini ne saurait constituer une « foi » au sens religieux du terme, mais l’acceptation intime d’un processus d’interaction avec l’univers spirituel. Il ne demande pas l’abandon d’aucune croyance préexistante, il fournit une voie de dépassement appuyée sur les prodigieuses mutations que nous vivons. Une révélation n’est pas nécessaire pour accepter ces constatations. Et pour citer à ce sujet « L’Homme qui parle » :
« En matière spirituelle, il ne sera pas possible de se contenter du legs de nos aïeux. À contexte si fortement neuf, vision nouvelle. L’être humain se défera dans l’angoisse et la terreur s’il ne peut s’appuyer sur une conscience rénovée de son rôle dans les cieux infinis qui l’attendent.
Et cette conscience nouvelle, prix de sa pérennité en tant qu’être pensant et agissant, ne demandera nullement l’abandon du passé, elle demandera seulement de sublimer ce dernier pour vivre et progresser dans la froide lumière de l‘univers de demain ».
« L’Esprit qui Veille » constitue donc pour nous, redisons-le, une proposition conciliatrice qui n’exclut pas les religions passées mais qui suggère une voie adaptée à notre époque.
Quelques mots pour finir
Trois grands axes me semblent pouvoir être mis en avant qui ne demandent ni excès d’affirmation ni reniement :
Le premier, celui de la recherche de la paix, tant personnelle que collective dans un ensemble aujourd’hui abandonné à sa cruauté naturelle et prédatrice,
Celui de la confiance, ensuite, face à un monde dont les mutations viennent tout juste de commencer et qui vont aller s’accélérant. Nous ne devrons jamais désespérer devant l’univers qui vient,
Celui du courage enfin face à ce qui dépasse et dépassera encore plus demain les frontières de notre être physique et moral. Il en faudra beaucoup aux hommes pour affronter les problèmes qui les attendent.
Partager, faire partager le message d’espoir est sans doute le plus important. Telle est en tous cas ma conviction face aux doutes et incertitudes qui nous entourent.