Cet ouvrage nous conte le parcours d’un homme d’aujourd’hui traversant aussi bien les grands espaces de ce monde que les arcanes du pouvoir. Gilles Cosson y raconte, sous forme de nouvelles, la beaute des paysages, la richesse des êtres, la solitude devant la souffrance. Mais au travers de ces pérégrinations se précisent peu à peu un apprentissage secret, une mise en communication avec le monde invisible, la découverte progressive d’un rattachement à l’univers.
Interview de Guylène Dubois, directrice de « Arrêtauxpages.com »
Jeudi 3 décembre 2009, à l’occasion d’une rencontre à la Nouvelle Librairie protestante, 47 rue de Clichy à Paris.
Un parcours spirituel : Vers une approche « postmoderne » du divin
La découverte de soi-même par l’écriture
Plongé dans un monde professionnel très exigeant, l’auteur a très vite ressenti le besoin d’écrire pour marquer les étapes d’une personnalité à la recherche d’autres horizons. Lesquels ? Il ne le savait pas très bien lui-même… Mais il lui a toujours semblé que la meilleure part de sa vie était celle des émotions poétiques et qu’il ne fallait pas en laisser perdre les moments forts…
Ainsi sont nées, entre romans et essais, les nouvelles qui constituent les Éclats de vie, comme autant de petits cailloux au bord du chemin…
Au fil des années et de la prise de conscience de la souffrance du monde, une évolution de la nature des récits est perceptible en même temps que se précise une recherche implicite de sens.
Les « confessions » : la part de l’intuition
Une fois jeté sur le papier l’essentiel de ce qui constitue ces « paraboles » personnelles, la forme de « confessions » s’est imposée comme la meilleure façon de jalonner une quête dont la portée finale est en définitive l’affaire de tous.
La deuxième partie du livre constitue donc le résumé d’une vie avec ses ombres et ses lumières. : Elle explique et met en perspective le cheminement intuitif que l’on pressent dans les Éclats de vie . Ceux-ci apparaissent alors comme les pièces d’un puzzle spirituel qui se conclut par la découverte intime de la présence du divin en soi et autour de soi.
La justification intellectuelle
Vient alors le moment de s’interroger sur la justification intellectuelle des intuitions ressenties. Cette démarche s’appuie sur l’acquis des livres précédents* (une recherche toujours ouverte qui dépasse les religions établies sans rejeter leur apport) et renverse l’affirmation traditionnelle d’un Dieu « manifesté » par la voie d’une révélation avec ses exigences, ses récompenses et ses sanctions.
Plus proche en cela des traditions orientales, mais aussi de Spinoza, voire de Saint François d’Assise, la démarche part donc de la constatation de l’existence d’un univers pensant et d’une énergie spirituelle diffuse pour construire l’idée d’un Dieu essentiellement immanent, les avancées de la science contemporaine apportant dans ce domaine un éclairage neuf. Ce Dieu, reflet d’une interrogation éternelle, devient alors la création des hommes autant que ceux-ci ses créatures. Il est d’eux, en eux et par eux. La conscience de sa grandeur, mais aussi sa transcendance en tant qu’idéal, vont donner naissance à une morale exigeante dont les composantes ont été développées dans les précédents essais de l’auteur : Poursuite de la connaissance, Recherche de l’harmonie et de la beauté, Lutte contre la souffrance, Acceptation de la finitude.
C’est la présence en eux et au-delà d’eux de ce Dieu immanent autant que transcendant qu’ont ressenti la plupart des mystiques de toutes les religions, mais aussi des êtres engagés dans l’action, telles les femmes d’exception que furent pendant la deuxième guerre mondiale Sophie Scholl et Etty Hillesum. Leur sacrifice représente le plus beau témoignage de l’idée exigeante qu’elles se faisaient de l’idéal divin.
Il nous semble que cet hommage « montant », pleinement compatible avec la liberté individuelle, par opposition à la protection « descendante » d’un Dieu vite courroucé dont il convient de s’attirer les faveurs, sera celui des hommes de demain lancés par goût ou par obligation à la conquête du cosmos et plongés dans la solitude de l’espace. Leur foi que l’on pourrait baptiser « universaliste » dans la mesure où elle constituera un dépassement des doctrines existantes sera une quête jamais achevée en même temps qu’affirmation de rattachement à un univers spirituel (cf. à nouveau les essais précédents).
En résumé, la notion « postmoderne » du divin qui s’imposera naturellement à nos descendants sera une construction de l’esprit humain tout autant qu’une foi reçue. La finalité du monde pensant ne saurait être comprise, elle restera pour toujours mystérieuse, mais la création telle que les hommes sont capables de la concevoir peut et pourra être louée pour elle-même, le comportement de chacun devant être à la mesure de sa grandeur.
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* Vers une nouvelle spiritualité. Essai, Éditions de Paris, Max Chaleil, 2004 et Lettre à un ami musulman. Essai, éd. De Paris, Max Chaleil, 2006.
« Au fil des pages », chronique littéraire préparée et présentée par Djilali Benchikh pour Radio Orient
Gilles Cosson, vous venez de publier deux livres, pouvez-vous nous donner quelques indications à leur sujet ?
Il s’agit de deux livres très différents. Le premier, « Thulé » est un roman historique dans la veine de ceux que j’ai publiés jusqu’à présent. C’est l’histoire d’un jeune Islandais du seizième siècle qui se lance à la recherche de sa mère, Vénitienne repartie sur le continent après un trop bref passage à Thulé. C’est aussi comme plusieurs de mes livres précédents un roman d’apprentissage où un jeune héros à travers diverses tribulations découvre qui il est, devenant peu à peu un homme.
Pourquoi avoir choisi cette époque et ces lieux ?
Parce qu’il s’agit de la Renaissance, époque charnière où s’affrontent plusieurs mondes : celui, riche et raffiné de Venise qui s’oppose à la simplicité d’une Islande qui se prépare à choisir la Réforme, mais aussi et peut-être plus encore celui de la chrétienté qui s’oppose à un empire ottoman en pleine expansion sous la conduite de Soliman, futur « magnifique ».
N’est-ce pas pourtant celui là que va courtiser François Ier pour éviter l’encerclement par l’empire austro-espagnol de Charles Quint ?
Oui, mais cela ne fait que rendre la situation de mon héros plus intéressante puisque l’alliance de François Ier et de Soliman étant contre nature, il se voit obligé de louvoyer au milieu de tous ces écueils. Je pense que le livre génère une certaine émotion s’agissant de paysages et de civilisations éblouissantes. L‘Islande, terre de feu et de glaces, terre aussi de sagas extraordinaires, les patriciens de Venise, Soliman et son grand vizir nous font pénétrer dans un monde tout à la fois somptueux, inquiétant et féroce.
Et votre second livre ?
« Éclats de vie », suivis de « Méditation » est un livre plus ardu qui se penche sur l’itinéraire spirituel de l’auteur au travers d’une trentaine de nouvelles qui retracent des épisodes signifiants de sa vie, qu’il s’agisse de voyages initiatiques ou d’épisodes plus intimes mis en forme poétique. Chaque épisode, bien que bref, a son autonomie, la gaieté de la jeunesse y côtoyant la gravité montante de l’âge.
Existe-t-il un fil directeur à ces récits?
Le fil directeur apparaît dans la deuxième partie : « Méditation » qui fournit en quelque sorte la clef du puzzle et permet d’en ordonner les pièces. On comprend à cette occasion la démarche de l’auteur, celle d’un guetteur qui découvre en lui peu à peu une « grande présence » qui va transformer sa vie.
Cette présence est-elle celle de Dieu ?
Elle est en effet celle d’un Dieu transcendant sans rattachement à une doctrine particulière et pressenti par les voies de l’intuition, celles que l’auteur rattache à ce qu’il appelle l’ « homme de la nuit » tourné vers l’instinct et le sentiment religieux, par opposition à l’ « homme du jour » qui lui procède par la voie rationnelle.
Les deux voies peuvent-elles se rejoindre ?
Elles ne se rejoignent pas, elles se côtoient, l’analyse rationnelle, appuyée sur les découvertes récentes de la science permettant de formuler l’hypothèse d’un Dieu immanent, réunion de toutes les pensées émises depuis l’origine des temps. Ce Dieu des philosophes « réinventé » sous une forme contemporaine va conduire à une morale choisie et non pas une morale issue de préceptes venus d’en haut. Dans cette acception du divin, l’homme devient en quelque sorte « coresponsable » de la création, ce qui lui impose des devoirs.
Où avez-vous voulu en venir in fine ?
J’ai souhaité définir le chemin d’une spiritualité commune à toutes les religions, un chemin qui ne soit en contradiction avec aucune mais qui ouvre une voie de convergence et de dépassement. Il me semble en effet que seule une telle démarche peut éviter aux intégrismes de tous bords de se heurter in fine dans une confrontation violente. Tout doit être fait pour offrir aux hommes de bonne volonté une issue de paix et d’harmonie.
N’était-ce pas déjà la voie que vous préconisiez dans vos deux précédents essais ?
Oui, c’est exact. L’on peut dire que ce troisième essai en est le couronnement, celui qui éclaire la genèse des deux autres en explicitant de façon plus précise la voie de la raison, celle qui peut permettre aux agnostiques de se réconcilier avec l’idée du divin, tout en offrant aux croyants une voie d’union. C’est là l’origine du titre un peu provocateur de mes conférences récentes : « Vers une approche postmoderne du divin ».
Gilles Cosson, merci !
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